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nent plus qu’à l’histoire, sa théorie des rapports de l’âme et du corps a survécu, avec peu de changements, jusqu’à nos jours. Il semble à la plupart des gens tout naturel d’admettre que l’âme est un être inétendu, ayant son siège dans un point déterminé du cerveau, d’où elle reçoit les impressions et gouverne le corps ; cette conception n’est cependant pas antérieure à Descartes, et c’est à lui qu’elle doit son origine. Il plaçait l’âme dans la glande pinéale. Après lui, on différa d’avis sur cette question, et Haller a donné une longue liste des opinions à ce sujet. Ch. Wolf ayant plus tard divisé l’activité psychique en une foule de facultés, on vit les anatomistes suivre la même vole à leur manière, l’un plaçant dans le corps calleux la mémoire, un autre l’imagination ; un troisième met cette dernière dans la corne d’Ammon et réservant le corps calleux pour l’intelligence. Cette tendance atteignit son apogée au commencement du siècle avec Gall, dont la doctrine succomba sous les attaques de Flourens.

De nos jours, la thèse des localisations cérébrales s’est produite sous une autre forme et a repris une toute autre valeur. C’est à propos de la faculté du langage que commença cette réaction.

Il y a déjà trente ans, Turek montra que, dans certains cas de paralysie du mouvement, un faisceau nerveux, qu’on pouvait suivre de la partie antérieure de la moelle épinière jusqu’au cerveau, subissait une dégénérescence, conformément à cette loi physiologique qui veut qu’un organe non exercé perde peu à peu sa texture normale et s’atrophie. Cette observation a été vérifiée depuis de diverses manières et constitue un apport considérable à la physiologie du mouvement.

Il n’existe pas le même accord entre les divers observateurs pour la localisation des sensations. Cependant des résultats importants sont acquis pour le siège de la faculté visuelle. Les cas pathologiques et les expériences physiologiques ont montré que la perte de l’organe visuel produit une atrophie dans les lobes postérieurs du cerveau. Si un œil seul est détruit, l’atrophie ne s’en produit pas moins dans les deux moitiés de l’organe central, ce qui montre que chacun des deux nerfs optiques est représenté dans chacun de deux hémisphères cérébraux.

L’auteur expose ensuite ce qu’on sait des localisations cérébrales, relativement à l’ouïe, au toucher, au langage. Il insiste sur cette dernière partie. Il montre en quelle mesure on doit admettre la loi de suppléance et quelles limites cette loi oppose aux localisations absolues.

Il s’attache ensuite à montrer que l’hypothèse suivant laquelle les processus cérébraux seraient la cause dont les états de conscience (Vorstellungen) seraient l’effet n’est pas admissible. On ne peut admettre un lien de causalité entre deux phénomènes que lorsqu’ils sont de même nature. Ce qui existe dans le cas actuel, c’est un parallélisme : les phénomènes de la vie psychique sont liés entre eux par un rapport de cause à effet, comme les phénomènes de la vie corporelle le