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ensuite leur vie naturelle. L’oraison peut avec ces alternatives se prolonger et se prolonge, de fait, pendant quelques heures… Mais cet état d’extase complète, sans que l’imagination, selon moi également ravie, se porte à quelque objet étranger, est, je le répète, de courte durée. J’ajoute que les puissances ne revenant à elles qu’imparfaitement, elles peuvent rester dans une sorte de délire l’espace de quelques heures, pendant lesquelles Dieu de temps en temps les ravit de nouveau et les fixe en lui… Ce qui se passe dans cette union secrète est si caché qu’on ne saurait en parler plus clairement. L’âme se voit alors si près de Dieu et il lui en reste une certitude si ferme qu’elle ne peut concevoir le moindre doute sur la vérité d’une telle faveur. Toutes ses puissances perdent leur activité naturelle ; elles n’ont aucune connaissance de leurs opérations… Cet importun papillon de la mémoire voit donc ici ses ailes brûlées, et il n’a plus le pouvoir de voltiger çà et là. La volonté est sans doute occupée à aimer, mais elle ne comprend pas comment elle aime. Quant à l’entendement, s’il entend, c’est par un mode qui lui reste inconnu, et il ne peut comprendre rien de ce qu’il entend[1]. »

  1. Vie de sainte Thérèse écrite par elle-même, trad. du R. P. Bouix, 10e éd., p. 90, 91, 96, 138, 142, 157, 177-180. Comparer aussi Plotin, EnnéadesVI ; Tauler, Institution chrétienne, ch. XII, XXVIXXXV.