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qu’elles n’entrent pas dans sa substance, mais demeurent comme un apport étranger, — c’est pour cela qu’elles sont sans action et, en pratique, comme si elles n’existaient pas. Le pouvoir d’agir de l’individu est tronqué et incomplet. La tendance des sentiments et des passions à se traduire en actes est doublement forte : par elle-même et parce qu’il n’y a rien au-dessus d’elle qui l’enraye et lui fasse contre-poids ; et comme c’est un caractère des sentiments d’aller droit au but, à la manière des réflexes, d’avoir une adaptation en un seul sens, unilatérale (au contraire de l’adaptation rationnelle, qui est multilatérale), les désirs, nés promptement, immédiatement satisfaits, laissent la place libre à d’autres, analogues ou opposés, au gré des variations perpétuelles de l’individu. Il n’y a plus que des caprices, tout au plus des velléités, une ébauche informe de volition[1].

Ce fait que le désir va dans une seule direction et tend à se dépenser sans retard, n’explique pas cependant l’instabilité de l’hystérique ni son absence de volonté. Si un désir toujours satisfait renaît toujours, il y a stabilité. La prédominance de la vie affective n’exclut pas nécessairement la volonté : une passion intense,

  1. Notons en passant combien il est nécessaire en psychologie de tenir compte de la gradation ascendante des phénomènes. La volition n’est pas un état net et tranché, qui existe ou n’existe pas ; il y a des ébauches et des essais.