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II


Je me souviens qu’un jour, au milieu des rumeurs,
Au port de Scutari, je vis sur la jetée
Aborder Ton caïk aux vingt-quatre rameurs :
Le canon ébranlait la ville épouvantée,
Sur ton front éclatait l’étoile en diamants,
La foule devant toi s’inclinait jusqu’à terre…
— Ton règne commençait, Tu n’avais pas vingt ans ! —
Quand sur le quai désert je restai solitaire,
D’un si nouveau spectacle ému secrètement ;
Je doutai de ta force et de ta destinée,
Et, craignant pour ton âme un tel enivrement,
Je plaignis la Turquie à la nuit condamnée.

Mais Dieu, qui t’a marqué pour un plus haut destin,
A mesuré ton cœur à ta haute fortune ;
Ton front n’est pas de ceux que le vertige atteint,
Toi qui vis au-dessus de la hauteur commune.