aussi loin qu’il est imaginable, de la réalité. Elle vise non à nous faire connaître le réel, mais à nous éviter une fatigue intellectuelle, à économiser nos efforts de pensée[1].
Et ailleurs, on trouve l’expression de mythologie mécanique, appliquée à la conception scientifique du xviiie siècle. Cette mythologie mécanique est comparée à la mythologie animiste des anciennes religions[2]. La science n’est qu’un phénomène biologique[3] ; la pensée vulgaire et la pensée logique sont deux moments de l’évolution de ce phénomène : et le dernier n’est même qu’un cas limite, idéal du processus. Mach appellera un « état spécial de notre intellectualité », et il faut entendre par cette expression, un cas pathologique, une illusion morbide, la croyance à une correspondance réelle entre la nature et les concepts abstraits de la physique (masse, force, atome, etc…). Ces concepts sont simplement des éléments de systématisation, des classeurs imaginés dans un but d’économie. « Ce sont des moyens intellectuels auxiliaires dont nous nous servons pour la représentation du monde sur la scène de la pensée[4] ». Les mots soulignés le sont par Mach lui-même. On remarquera qu’ils ont pour but de faire ressortir la subjectivité des procédés physiques.
La physique n’a-t-elle pas, après cela, tout l’air d’une construction arbitraire de l’esprit ?
2. — Mais, ailleurs, et quelquefois à côté même des passages que nous venons de citer, on pourrait lire des passages qui ne laissent qu’une interprétation possible et dans un sens tout opposé. Mach revient notamment à plusieurs reprises sur cette idée que la science est avant tout libératrice. Elle nous affranchit de l’ignorance, et elle éclaircit notre esprit : « Celui qui, à travers la littérature seulement a pu participer à cet essor et à cette libération, conserve toute sa vie pour le xviiie siècle, un sentiment de mélanco-
