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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

L’œuvre de Rankine ne marque donc pas seulement une date dans l’histoire de la physique. Elle en marque une plus importante encore dans l’histoire de la logique des sciences physiques. Elle apparaît, d’après la conception de la logique, exposée plus haut dans l’introduction, le premier mouvement conscient et gros d’espérances, de cette logique des sciences physiques, vraiment scientifique et rationnelle, parce qu’elle s’appuie sur l’œuvre de ceux qui pratiquent chaque jour les sciences physiques.

4. — Il est à remarquer que Rankine ne rompt pas au point de vue du contenu de la théorie physique, avec la théorie antérieure. En suivant l’exposé de cette théorie nouvelle, on a pu observer combien il se rapproche du mécanisme traditionnel, si l’on dépouille les choses de leur expression verbale, si l’on cherche à en atteindre l’esprit. L’exposé méthodique des connaissances physiques ne diffère pas sensiblement même dans ses principes, mais surtout dans son enchaînement général, dès qu’a pris fin l’exposition des principes, de l’œuvre édifiée par le mécanisme traditionnel. Au fond, la nouvelle théorie physique, considérée dans son contenu, se rapproche autant de l’ancienne que si on la considère dans son esprit. Les innovations qu’on y note sont seulement les innovations que commandait la conscience plus grande prise, vers le milieu du XIXe siècle, par la physique de sa positivité, de l’éloignement où elle doit se tenir de toute métaphysique, si déguisée qu’elle soit. Le point de vue empirique et phénoméniste s’affirme comme le point de vue de la science physique, non que le physicien soit sceptique au regard des résultats qu’il atteint, mais parce qu’il se refuse à envisager quoi que ce soit en dehors de ce qu’il perçoit ; il n’a même pas à distinguer entre apparence et réalité, car il ignore strictement ce que signifient ces mots. Il a devant lui des faits ; ces faits sont pour lui le donné, rien que le donné, et tout le donné. Il ignore tout le reste, et surtout il ignore si, au sujet de ces faits, on peut se poser une question métaphysique, relative à une nature dont ils ne seraient que l’apparence.