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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

2. — L’ensemble des variations d’une substance, son état total ou sa variation totale, est un accident complexe. Il n’y aurait pas de variation complexe, si nous étions dans le domaine de la qualité pure, car une variation qualitative est irréductible à des variations plus simples. On n’analyse pas la qualité. On la constate comme une propriété sensible. Rankine admet au contraire — et ceci est encore du pur mécanisme — que la variation totale d’une substance est une somme de variations élémentaires. La qualité, la propriété générale est bien pour lui un principe d’explication, mais non un principe d’existence. Il construit avec elle une représentation abstraite, un schème de la réalité. Seulement, il conçoit la réalité, du moins la réalité scientifique, comme le mécanisme, c’est-à-dire sous une forme quantitative. La nature continue à être quelque chose qui tombe sous les prises du calcul, et sous les lois du géomètre. Il nous donne son système comme un système nouveau pour appliquer le déterminisme mathématique à la réalité. C’est une espèce nouvelle du genre « mathématisme », inauguré par la Renaissance, une espèce qui doit fournir une intelligibilité plus grande, parce qu’elle élimine les éléments hypothétiques que l’expérience actuelle ne nous rend point tangibles, et qu’aucune expérience, vraisemblablement, ne rendra jamais tangibles.

3. — Les accidents élémentaires ou simples dont la composition doit être considérée pour rendre raison de l’aspect total d’un phénomène, pour en fournir l’explication nécessaire et suffisante, seront les accidents indépendants[1].

Rankine classe ces accidents en deux groupes : les accidents actifs et les accidents passifs, en langage vulgaire les causes et les effets. Il distingue alors un accident actif radical, l’effort ; cet accident, pour lui, comme pour les mécanistes, joue un rôle privilégié dans la construction de la physique théorique : il sert en effet à mesurer les substances, c’est-à-dire les masses : « L’effort est une mesure de la masse : les masses peuvent être comparées au

  1. Id., § 8.