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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

individuels, des éléments matériels, qu’on suppose exister réellement, il part de la considération des propriétés générales : il commence par définir des concepts abstraits, et non des choses, des existences individuelles. Certes, il ne conçoit par la généralité comme la philosophie aristotélicienne et médiévale. Il reste tout imprégné du courant mécaniste ininterrompu depuis trois siècles. Mais sa méthode est une méthode conceptuelle, bien qu’il ne croie pas à la réalité des concepts. Ce n’est pas une méthode intuitive.


III. GRANDES LIGNES DU DÉVELOPPEMENT
DE L’ÉNERGÉTIQUE DE RANKINE


1. — Tout phénomène physique est une manifestation ou une transformation d’énergie, telle est la pierre angulaire de la physique théorique. Comment Rankine va-t-il appliquer cette vue générale aux phénomènes particuliers ?

Pour cela, il distinguera des substances et des accidents. Les substances seront les propriétés invariables, les accidents, les propriétés variables. Selon qu’ils proviendront de l’état d’une substance considérée isolément, ou de relations entre substances, les accidents pourront être eux-mêmes absolus ou relatifs[1].

De nouveau, Rankine, non par timidité, — son œuvre tout entière marque plutôt une tendance à l’originalité, un faible pour aller hors des sentiers battus, — mais par sa propre conception de la science, donne un sens moderne à ces termes. Le retour à l’arislotélisme n’est que dans la forme, le langage ; il n’est pas dans l’esprit. Par substance ou propriété invariable, il entendra la masse, et ceci, c’est du mécanisme. Les accidents, pour être objets d’une enquête scientifique, doivent être mesurables, exprimables au moyen de quantités. Ce sont des grandeurs homogènes. L’esprit peut et doit concevoir un système de relations qui fournisse les moyens de mesurer les accidents, même absolus.

  1. Id., § 8, p. 386.