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LA CRITIQUE DU MÉCANISME : L’ATTITUDE HOSTILE.

tion et l’interaction d’objets individuels et réels, de choses. De là, les conceptions mécanistes ; fluides ou atomes ; de là encore la théorie du plein de Descartes, souvent reprise, même parmi les newtoniens, même par Newton, quand il se défend par l’attraction de rétablir les qualités occultes. On ne conçoit pas d’action possible en dehors de choses sensibles, d’existences réelles, de corps individuels, ou d’individus matériels. C’est l’agencement de ces individualités matérielles, leurs chocs, leur association qui produisent tous les effets variés que nous observons dans la nature, toutes les qualités qu’elle manifeste. Une qualité générale se réduit toujours dans cette conception à une répétition dans le temps et l’espace d’un agencement particulier d’individualités semblables. La qualité, la propriété générale, n’existent pas. C’est un mot commode, un symbole, pour indiquer que se retrouvent dans la nature des individus semblables et semblablement disposés.

Telle est la proposition fondamentale du mécanisme depuis Galilée et Descartes.

Rankine ne rompt pas complètement avec cette tradition. Il accepte que l’explication physique doit se faire d’après les données de l’expérience sensible. Il reproche même aux mécanistes de passer outre à cette expérience, en imaginant hypothétiquement des êtres invisibles, intangibles, que les sens ne nous révèlent pas. D’autre part, et le nom qu’il donne à la méthode qu’il veut substituer à ces procédés hypothétiques est significatif, s’il reprend comme principes, les propriétés générales, les qualités, c’est en mettant tous ses soins à nous faire remarquer qu’elles ne sont que des abstractions et des symboles. Elles n’existent pas par elles-mêmes ; elles ne sont pas réalisées : elles n’existent que comme présentées par une multiplicité d’individus : objets ou phénomènes. Il les appelle même souvent des termes. Il reste donc nominalistc, ce qui le laisse, au point de vue historique, l’héritier de la lignée des physiciens issue de la Renaissance.

Mais il n’en est pas moins vrai, et c’est en cela qu’il innove, qu’au lieu de prendre pour principes des objets