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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

Si alors il est possible de formuler des lois générales concernant l’énergie, ces lois pdtirront être applicables, mutatis mulandis, à toute branche de la physique, et constitueront un système de principes sur lequel pourra se fonder une physique théorique d’après la méthode abstractive. On voit maintenant pourquoi Rankine a donné à sa théorie le nom de théorie énergétique[1].

2. — Le terme énergie et tous les termes généraux dont la théorie énergétique a besoin pour se développer sont purement abstraits : ce qui explique l’expression par laquelle Rankine désigne la méthode qui les rend nécessaires : méthode abstractive. Mais par abstrait, il n’entend pas imaginaire ou irréel ; nous retomberions sur une théorie analogue à la théorie mécaniste, et sur la méthode hypothétique. La méthode abstractive se distingue, au contraire, de la méthode hypothétique en ce qu’elle représente quelque chose de réel, en ce qu’elle sort des données mêmes de l’expérience. Abstrait signifie donc simplement « qui n’est pas m nom d’objet, ou de phénomène particulier, mais un nom de classe très compréhensive d’objets ou de phénomènes[2] ».

Autrement dit, les notions à l’aide desquelles se construit la théorie physique, d’après la méthode abstractive, sont des notions très générales qui symbolisent ou représentent une propriété sensible, commune, offerte dans l’expérience par un grand nombre d’objets.

Il n’y a pas ici, et il est bon de le noter de suite, car c’est un trait que nous retrouvons chez tous les critiques du mécanisme traditionnel, de rupture avec la tradition de la Renaissance, et les innovations qu’elle apporta dans la physique.

Les physiciens modernes, les physiciens mécanistes ont toujours été essentiellement nominalistes. Pour eux, il n’existe que des objets concrets ; l’expérience sensible ne nous présente que des phénomènes individuels. Tout doit être expliqué en fonction de l’expérience, donc d’après l’ac-

  1. Id., § 7, 385.
  2. Id., § 7.