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L’ANALYSE DES DOCTRINES.
la corriger dans le sens de l’esprit qui l’a suggérée elle-même, dans le sens de l’esprit moderne. — 6. En quel sens il convient d’interpréter la modification la plus profonde que Rankine apporte au mécanisme, la forme conceptuelle de la théorie : en un sens nominaliste directement issu de l’esprit de la Renaissance.
I. — PARTIE CRITIQUE


C’est Rankine qui, en 1846, a inauguré la critique systématique du mécanisme et a jeté les bases de la doctrine énergétique dans un mémoire inséré au volume III des Proceedings of the Philosophical Society of Glascow, p. 382. Ce mémoire est un fait historique décisif en ce qui concerne l’historique de l’esprit général et de la théorie de la physique, car il marque la rupture avec le mécanisme traditionnel. Il est le premier manifeste de la réforme.

1. — a) Le mathématicien anglais commence par distinguer la science abstraite et la science concrète. Cette dernière, comprend les parties purement empiriques de la science : c’est un simple recueil d’observations que rien ne vient encore coordonner et systématiser d’une façon cohérente et logique. La science abstraite consiste en un enchaînement de propositions présentées comme les conséquences de quelques définitions et de quelques axiomes. La physique théorique doit être rangée dans cette dernière catégorie, mais avec deux réserves importantes :

1o Dans une science abstraite, une définition assigne un nom à une classe de notions dérivées originellement de l’observation, c’est vrai, mais qui, après le travail d’élaboration qu’elles ont subi, ne correspondent plus nécessairement à une classe d’objets réels et existants. Un axiome n’est à son tour que l’énoncé d’une relation entre ces notions abstraites et irréelles, ou les mots qui les expriment[1].

Dans la physique théorique, au contraire, une définition établit des propriétés communes à une classe d’objets existants, et un axiome est une loi générale qui concerne les relations de ces phénomènes réels[2].

  1. Rankine : Outlines of the Science of Energetics (Proceedings of the philosophical society of Glascow), III, 1848-1855, § 1, p. 382.
  2. Id.