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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

été résolu d’une façon satisfaisante en se plaçant au point de vue du mécanisme traditionnel. Ces discussions montrent bien les difficultés que rencontrait ce dernier. On se trouve donc en face d’un très gros obstacle, dans une science fondée tout entière sur l’expérience, et pour une théorie qui prétend expliquer la nature d’une façon réaliste, c’est-à-dire conforme à l’expérience. On comprend la brèche faite à l’édifice classique, et qu’on fût tenté aussitôt de le réformer et de le soumettre à une critique sévère dans toutes ses parties.

Le résultat fut qu’effectivement la seconde moitié du XIXe siècle et l’aurore de ce siècle-ci ont été consacrées, soit à une critique minutieuse, soit à une revision des fondements de la physique classique. Cette critique et cette revision ont amené des modifications importantes dans la conception générale que les physiciens se font de la physique, dans leur théorie de cette science. C’est à l’examen de ces modifications qu’il faut procéder maintenant[1].

2. — a) D’une façon générale on peut dire que les modifications de la conception générale de la physique consistent surtout dans le rejet de la valeur ontologique des théories figuratives, et dans le sens phénoménologique très accentué que l’on attribue à la physique. On va jusqu’aux limites du positivisme, si l’on entend par ce mot l’exclusion rigoureuse de toute tendance métaphysique et ontologique, qui prétendrait dépasser ou outrepasser les apparences sensibles. Il est sorti de cet effort une conception nouvelle de la physique — qui ne s’oppose peut-être pas autant qu’on l’a dit quelquefois à la conception antérieure — mais qui, en tout cas, la modifie profondément. Cette conception nouvelle, on peut l’appeler conceptuelle, parce qu’elle substitue aux intuitions figurées, aux constructions représentatives du mécanisme traditionnel, des notions

  1. On ne parlera de la révision particulière des principes fondamentaux de la physique qu’autant qu’il sera nécessaire pour l’intelligence de ces modilications, puisque l’objet de ce travail porte sur l’esprit de la science et non sur son contenu, et parce que les savants seuls ont qualité pour traiter des questions qui concernent les principes de la science et leur revision.