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LE MÉCANISME TRADITIONNEL.

gênent mutuellement… », en sorte que la présence de chacune de ces parties oppose un obstacle au mouvement des parties contiguès et constitue pour elle une liaison… Pour Poisson, comme pour Boscovitch, « les corps ne sont continus qu’en apparence ; en réalité, ils sont formés de points matériels isolés[1]. » Il ne peut plus être question alors de forces de liaison, puisque chacun de ces points matériels est isolé et libre, mais il agit sur les points voisins, par des forces réelles, les actions moléculaires. Dans la manière de Lagrange, plus géométrique, « les systèmes étudiés sont soumis non seulement à des forces extérieures ou à des attractions mutuelles dépendant de la gravité universelle, mais, ils sont assujettis à des liaisons[2] » ; dans l’autre, à prétentions plus objectives et plus physiques, aux forces réelles que considérait la première, « il faut joindre les actions moléculaires qui s’exercent en chaque couple de points[3] » et qui remplacent les forces fictives de liaison. Mais « il faut bien remarquer que ces deux mécaniques sont équivalentes pour qui ne tient compte que de leurs conséquences[4] ». Dans la pensée de Poisson, sa conception ne faisait que serrer de plus près la nature intime des choses.

Ces deux manières faisaient intervenir, à côté de la figure et du mouvement, les notions de masse et de force ; cette dernière notion répugnait à un très grand nombre d’esprits comme un retour inavoué à la métaphysique, à une qualité occulte de la scolastique. Aussi préféraient-ils continuer les traditions de la physique cartésienne ou atomistique, en substituant à la notion de force le mouvement et le choc, surtout après la découverte de l’équivalent entre les quantités de chaleur et le travail mécanique (théorie cinétique des gaz, théorie mécanique de la chaleur, théories électrooptiques de Maxwell).

  1. Duhem, L’évolution de la mécanique (Revue générale des Sciences), 1903, p. 128.
  2. Id., p. 129.
  3. Id., p. 254.
  4. Id.