ce rationalisme qui ne veut pas dépasser la science, mais l’exprimer dans sa plénitude.
Seulement, le mouvement de réaction contre le rationalisme métaphysique et transcendant n’aura pas été stérile. La critique qu’on lui doit prépare une synthèse philosophique qui concilie en les absorbant dans un point de vue supérieur les thèses extrêmes. Oui, la pensée humaine a une histoire qui compte lorsqu’on veut l’apprécier ou l’analyser ; et cette histoire, c’est, depuis que la science existe, l’histoire des sciences qui en est le centre. Oui, la pensée ne peut être saisie que comme une activité sans cesse agissante et sans cesse variable. Oui, l’utile, la pratique, entendus au sens le plus noble, ont guidé et guideront à travers tous les accidents de l’adaptation, l’évolution de la pensée. Oui, tout part du fait pour revenir au fait. Mais sont-ce là des motifs pour nier la nécessité du fait ? Et si le fait est nécessaire, ne peut-on concevoir que cette nécessité s’exprime dans le sujet en un ordre rationnel, en une raison ? Le point de vue pratique est-il alors autre chose que l’envers du point de vue théorique ? L’adaptation, par cela qu’elle existe, ne pose-t-elle pas, même à travers la marche la plus hasardeuse qu’on veuille concevoir un progrès et un terme ? Les variations historiques ne laissent-elles pas se dessiner à mesure une trame, et les nuances infinies des faits, deviner peu à peu la matière dont ils sont tissés ? En réhabilitant l’instinct, l’inconscient, la spontanéité, la contingence, l’activité vivante, le développement historique, dédaignés par un rationalisme étriqué et mort, pourquoi établir qu’ils sont incompatibles avec la raison, la conscience claire, la nécessité, l’ordre définitif, le progrès dans la vérité ? Comme le montre l’évolution de la science physique et de ses principes, l’instinct et la contingence historique sont l’enveloppe de la nécessité théorique et de la raison.
La science, et la science dans sa forme la plus haute, celle qui absorbe l’expérience dans un système rationnel, qui achève l’intuition empirique et sensible, par l’organisation logique, donne un système équivalent à la réalité.
