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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

Mais la physique contemporaine et le mécanisme actuel ont maintenu la théorie de l’unité de la nature, tout en posant contre l’ancien point de vue, l’idée de son indéfinie complexité. Chaque fait n’est ce qu’il est que par une infinité de relations. Seulement, ces relations sont liées entre elles comme les rouages d’un mécanisme. Chacune d’elles est intelligible, et la science a le pouvoir de les comprendre une à une. Le fait continue à être machine, c’est-à-dire accessible à notre déterminisme rationnel, dans ses moindres parties. Cette adaptation de notre pensée au réel, quoique se faisant et progressant chaque jour, ne sera sans doute jamais achevée. Il n’en reste pas moins que ce qui est fait est fait. La science expérimentale s’étend comme un édifice que l’on continue, sans que jamais les parties anciennes — bien qu’on les répare quelquefois — ne cessent de former, avec les parties nouvelles, un ensemble harmonieux. Pour avoir toujours besoin d’être étendue plus loin, elle ne cesse pas d’être science, c’est-à-dire vérité. Celle-ci n’est limitée qu’au point de vue de l’extension, mais non de la compréhension.

6. — La philosophie contemporaine s’est battue à peu près tout entière contre une difficulté fondamentale. Le flot montant de l’historisme et du psychologisme a renversé les anciens points de vue abstraits et statiques. La notion du devenir a été restaurée avec une ampleur et une profondeur qu’elle n’avait jamais connues. L’évolution, l’activité dynamique, les variations infinies de la qualité, l’éminente dignité de la pratique, voilà les principales nouveautés philosophiques de la fin du xixe siècle. L’empirisme toujours plus nuancé et plus subtil aboutit au fidéisme, à la suprématie de la croyance, lui qui jadis avait été la grande machine de combat du scepticisme contre les affirmations de la métaphysique.

N’a-t-on pas, au fond, fait dévier petit à petit et par des nuances insensibles le sens réel du mot « expérience » ? Replacé dans ses conditions d’existence, dans la science expérimentale qui la précise et l’affine, l’expérience nous ramène à la nécessité et à la vérité ; l’empirisme rejoint