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INDICATIONS TOUCHANT LA THÉORIE DE LA CONNAISSANCE.

expressions qui ne marquent qu’une différence de points de vue, mais qui ont un contenu identique, qui ont un seul et même contenu. Le rationnel n’est que la formule abstraite des lois de l’expérience. L’expérience n’est que l’enveloppe concrète des catégories rationnelles. Elles sont deux moments dans l’histoire de notre notion du réel.

Les catégories elles-mêmes ont donc une évolution, puisqu’elles résultent de l’évolution ; elles doivent, semble-t-il, prendre une signification historique ; leur nature est psychologique et sociale, peut-être même biologique. Mais comme dans toute évolution, elles gardent une individualité, quelque chose d’identique et de continu à travers leurs transformations. Elles progressent en se précisant dans un sens relativiste, en s’assouplissant de plus en plus pour n’exprimer que les exigences de l’expérience, sans plus. La substance n’est plus que la constance des relations, ce fait qu’il y a quelque chose de constant et qu’expriment la conservation de l’énergie et ses lois d’équivalence. La cause n’est plus que la fonction, la concomitance des variations. Le déterminisme naturel se réduit à la constatation de faits semblables, à l’analogie, qui permet la déduction par composition et non plus par identité d’essence et par implication.

Le fait ne se distingue plus du droit, car il se laisse transformer en droit. Ce paradoxe peut être la maxime d’une philosophie nouvelle : ce sera dans un rationalisme nouveau, caractérisé par sa foi en la science expérimentale, la synthèse de Tempirisme et du rationalisme anciens.

Il est très vraisemblable que nous n’épuiserons jamais toutes les relations de l’objet. En ce sens, l’évolution qui nous mène vers la vérité ne laisse pas entrevoir de terme : elle est indéfinie, et c’est d’ailleurs là un des caractères essentiels de toute évolution. La vérité totale, si nous la considérons au point de vue de l’extension, ne sera pas atteinte. La ruine du vieux mécanisme ontologique, de la théorie de la simplicité des lois de la nature, qui posaient les éléments réels avec lesquels on recomposait tout le reste, ne signifie pas autre chose au point de vue philosophique.