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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

poser entre nos certitudes. Même en admettant au début de révolution une contingence radicale, la connaissance pourrait peu à peu atteindre dans des directions déterminées une fixité, semblable à l’immunité biologique. Certaines façons de penser sont devenues nôtres, et s’opposent, à moins de détruire notre organisme pensant, à l’admission de ce qui n’est pas elles. La formule du principe de contradiction ne serait que la formule schématique de cette imprégnation psychologique.

Alors pourrait s’expliquer facilement ce fait, que la vérité souvent a choqué notre raison d’abord, a semblé irrationnelle : de même que notre organisme commence à repousser ce à quoi il n’est pas adapté et ne continue à vivre qu’en s’y adaptant étroitement ensuite, jusqu’à s’en rendre inséparable. Et le résultat de cette adaptation progressive constituerait précisément notre connaissance et notre science. Au lieu de dresser l’expérience en face de l’esprit, il faudrait les réunir intimement et retrouver empiriquement la vieille identité de la pensée et de la réalité, dans la notion élargie de l’expérience, pleine de nécessité en elle-même, puisque nous ne pouvons pas nous la représenter autrement qu’elle n’est, h moins de sortir de nous-mêmes. Ainsi, dans les limites de l’expérience et du relativisme, réclamés par la science, pourrait-on entrevoir comment on retrouverait le nécessaire ei l’objectif, également indispensables à la science.

5. — La vérité serait le résultat d’habitudes invincibles d’une évolution nécessaire. Elle serait dans le devenir d’une évolution ; mais elle serait, puisqu’elle se réaliserait et se compléterait constamment. Elle se ferait peu à peu nôtre, après nous avoir paru d’abord hostile, ou tout au moins étrangère. L’histoire de la science, continuant l’histoire psychologique de la perception et de la conception, serait l’histoire de l’acquisition de cette vérité, résultat humain et nécessaire d’une évolution humaine et nécessaire, dans les limites de l’humaine nature.

Empirisme radical, dogmatisme radical.

Exigences de l’expérience, exigences de la raison, deux