dances profondes, et c’est à travers la philosophie anglaise du XIXe siècle, à travers Stuart Mill et surtout à travers Spencer, qu’on peut suivre sa formation et pour ainsi dire sa préhistoire. D’ailleurs, bien que Spencer utilise souvent les éléments d’une science déjà vieillie, surtout en physique, l’esprit général de son système[1] synthétise plusieurs des tendances caractéristiques de la science moderne, et peut-être ce système n*est-il pas aussi éloigné qu’on pourrait le croire de celui dont on va essayer de tracer les grands traits. On a eu une tendance à trop ignorer ou dédaigner le réalisme expérimental du philosophe anglais. Il semble bien pourtant que l’introduction de l’hypothèse évolutionniste dans la théorie de la connaissance soit un des éléments capitaux, et peut-être même le principe fondamental, susceptibles de transformer le positivisme pour le mettre en harmonie sur ce point avec les exigences de la physique contemporaine, et asseoir un rationalisme nouveau. Or, c’est à Spencer que nous en serions redevables.
Ce qui manque au positivisme de Comte, ce qui manque même à la doctrine de Stuart Mill pour être adéquate aux résultats actuels de la critique à laquelle les savants ont soumis la physique, c’est de n’avoir pas approfondi la théorie de la connaissance, c’est de n’avoir pas cherché à rétablir, sous une autre forme, une théorie des catégories. L’expérience objective n’est pas quelque chose d’extérieur et d’indépendant de l’esprit. Expérience objective et esprit sont fonction l’un de l’autre, sont impliqués l’un par l’autre, n’existent que l’un par l’autre[2]. La théorie qui consiste à poser les relations comme dérivant de la nature des choses entre lesquelles ces relations sont établies et la théorie qui considère ces relations comme construites par l’esprit,
- ↑ Voir notamment les Principes de Biologie ; et dans les Principes de psychologie, l’idée de la « correspondance » et l’usage qui en est fait. Comparer avec l’idée d’adaptation dans la psychologie scientifique contemporaine.
- ↑ En émettant des idées analogues, le pragmatisme, s’il abandonne Tagnosticisme mystique vers lequel la mode le pousse, aura, lui aussi, comme la critique sceptique de la science, à laquelle il tient par des liens nombreux, rendu service au rationalisme expérimental de demain.
