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INDICATIONS TOUCHANT LA THÉORIE DE LA CONNAISSANCE.

riques et, sur le terrain du phénoménisme, une sorte de dogmatisme renouvelé. Les savants ne demandent plus de garantie à la raison, à des principes transcendants l’expérience sensible. En tout cas, s’il en est encore qui tiennent effectivement au rationnel, pour lui-même, qui admettent une efficacité propre de la raison, et ils sont peu nombreux, c’est en tant que métaphysiciens et non en tant que physiciens cherchant purement et simplement à dégager les leçons de la pratique scientifique. Mais la plupart professent que ce qui ne vient pas de l’expérience, ce qui dérive de la raison, est arbitraire[1].

Là où le rationnel intervient, il n’introduit pas le nécessaire, loin de là. Il introduit le contingent. Le résultat de cette interaction réciproque de l’esprit et des choses arrive quand même au définitif ; mais ce définitif vient des choses et non de l’esprit ; c’est ce en quoi les choses ont déteint sur l’esprit, et l’ont pour ainsi dire limité et contraint. Cette attitude est nette dans les écrits de Mach. Mach est nettement empirique, non seulement en ce qu’il reconnaît, dans l’expérience, le critérium unfque et souverain de toute proposition physique, mais en ce que les principes généraux adoptés par chaque science sont le résultat d’une lente et inconsciente éducation de l’esprit par l’expérience. L’hérédité n’est même pas sans y jouer un rôle. Ce qu’il y a donc de nécessaire dans la théorie physique vient tout entier de l’expérience.

Ainsi, les contempteurs contemporains de la valeur objective de la physique avaient vu juste partiellement quand ils montraient que la plupart des lois physiques considérées aujourd’hui comme intangibles n’avaient jamais paru d’abord être exigées par la raison. Historiquement, chaque étape de la physique a rencontré comme réfractaires ou retardataires ceux qui se donnaient comme les champions du rationalisme. À chaque étape, les vues dogmatiques du rationalisme traditionnel n’étaient plus adéquates aux données scientifiques. Aussi la critique sceptique de la science

  1. Exemple : la mathématique pour Poincaré ; la théorie physique (la théorie seulement) pour Duhem.