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ET INTÉRÊTS DIVERS QU’IL PRÉSENTE.

de connaissance. Et tout le monde accordera que le positivisme moderne n’a été rien autre que la tentative d’étendre la méthode et la conception générale de la science, construite sur le modèle de la physique, à tous les départements de la connaissance humaine sans exception, si bien qu’esprit positif ou esprit scientifique sont devenus couramment synonymes.

Si ces sciences qui, historiquement, ont été essentiellement émancipatrices, sombrent dans une crise qui ne leur laisse que la valeur de recettes techniquement utiles, mais leur enlève toute signification au point de vue de la connaissance de la nature, il doit en résulter, dans l’art logique et dans l’histoire des idées, un complet bouleversement. La physique perd toute valeur éducative ; l’esprit positif qu’elle représentait est un esprit faux et dangereux. Raison, méthode rationnelle, méthode expérimentale, doivent être considérées, en bonne conscience, comme n’ayant aucune valeur de savoir. Ce sont des procédés d’action, ce ne sont pas des moyens de connaissance. On peut les développer pour certains résultats pratiques, mais en marquant bien qu’ils n’ont de valeur que dans cet étroit domaine. La connaissance du réel doit être cherchée et donnée par d’autres moyens. Il faut prévenir l’esprit contre la dangereuse illusion du rationalisme et de l’esprit dit « scientiste ». Il importe que l’on sache que par là on tourne le dos au réel, que la physique, c’est l’ignorance et non la connaissance de la véritable nature. L’émancipation de l’esprit, telle qu’elle a été conçue depuis Descartes grâce à la physique, est une erreur, et combien nuisible ! Elle pèserait encore sur la plupart des esprits de toutes ses forces. Il faut aller dans une autre voie, et rendre à une intuition subjective, à un sens mystique de la réalité, au mystère en un mot, tout ce que l’on croyait lui avoir arraché.

S’il apparaît au contraire que rien dans le développement actuel de la physique n’autorise à considérer cette crise comme fatale et irrémédiable, si tout nous incline à croire que le problème de la connaissance de la nature, par suite de la possibilité des sciences physico-chimiques,