en affirmant sa contingence, à lui enlever ensuite toute indépendance à l’égard des fonctions constructives et créatrices de l’esprit. La science est devenue, du fait de cette analyse dissolvante, une sorte de jeu esthétique, un art qui fuyait incessamment le réel. En entendant parler de l’idéalisme et du symbolisme de la science, œuvre du libre décret de l’esprit, on songe, malgré soi, aux théories ultra-symbolistes et ultra-idéalistes qui affranchissent l’art de tout contact avec le réel.
La philosophie contemporaine se trouve en face d’un problème qui s’est déjà présenté sous d’autres formes, dans la théorie de la connaissance. La critique de la fin du XIXe siècle a attaqué, en somme, la nécessité et la fixité des catégories kantiennes, de même que la critique des nominalistes avait attaqué la réalité des universaux, et la critique de Hume, la nécessité et la réalité des intuitions cartésiennes. La nécessité des catégories était liée, pour Kant, à l’objectivité des lois naturelles. Celle-ci, pour lui, ne faisait pas de doute. La seule question que la raison avait à se poser, à son sujet, était celle-ci : Quelles sont les conditions impliquées par cette objectivité ? On sait la réponse de Kant : Ces conditions ne se trouvent pas dans une intuition immédiate de la substance. Elles viennent de l’esprit, des catégories nécessaires de la pensée. Dès lors, l’objectivité de la science physique devenait d’ordre relatif et phénoménal. Mais dans cet ordre relatif et phénoménal, elle était posée d’une façon définitive. Les lois naturelles étaient objectives parce qu’elles étaient nécessaires.
Or, la nécessité des lois naturelles, voilà ce que la philosophie de la fin du xixe siècle a été amenée par divers courants à contester. La physique apparut aux regards des philosophes à la suite d’une critique qui souvent s’appuyait sur l’autorité des savants les plus qualifiés, comme quelque chose d’artificiel. La théorie de Kant, par là même, se trouva sapée par la base. Puisque les catégories étaient une explication rationnelle d’un fait, une sorte de déduction « a consequente », dès que le fait était mis en doute, l’explication devenait caduque ; toute la théorie ne pouvait être
