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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

résoudre cette question ? La physique, décret arbitraire de l’esprit, la physique, qui ne serait plus expérimentale et objective, la physique, qui ne serait plus une science de la nature, qui ne serait plus la « science physique », voilà un thème ingénieux qui rappelle la dialectique hégélienne et l’art de concilier les contradictoires. Mais, confrontée avec les faits, c’est-à-dire avec les données historiques, les documents que nous trouvons chez les physiciens, cette interprétation paraît purement et simplement reposer sur un abus de mots : elle force le sens de certaines expressions, déjà très imagées, qu’ont employées quelques savants pour être plus expressifs, et lutter contre l’intransigeant dogmatisme métaphysique de l’ancien mécanisme. Elle a changé complètement le sens d’une transformation heureuse de l’esprit de la physique moderne, d’une transformation normale qui était tout à fait dans le sens de son évolution et de l’évolution scientifique générale, au moins depuis la Renaissance. Cette interprétation ne répond en rien à l’esprit actuel de la physique ; elle ne tient aucun compte de cet esprit, des besoins et de l’état véritable de la science physique contemporaine. Aussi, si elle a soulevé l’émotion du public et des philosophes, les physiciens sont, en général, restés dédaigneux et indifférents.

Ces conclusions seraient justifiées d’une façon remarquable par l’examen des opinions philosophiques des physiciens contemporains, — examen qui sort des limites de ce travail. — Ce serait en quelque sorte la contre-épreuve, le renversement de l’expérience.

Eh bien, d’un examen aussi sommaire qu’on le veuille des idées philosophiques des physiciens contemporains, il ressort immédiatement ceci : c’est qu’elles sont les plus diverses possibles. Les directions les plus opposées de la pensée philosophique contemporaine y ont leur écho. En gros, nous trouvons au point de vue de la théorie de l’objet des physiciens pour qui la qualité est l’essence des choses (Oslwald, Duhem, peut-être Lippmann), des physiciens pour qui cette essence consiste dans la quantité (le plus grand nombre des cinétistes). Interférant avec ces deux