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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

convient le mieux à son genre d’esprit. Les divergences n*ont donc qu’une importance secondaire puisqu’elles restent enfermées dans les procédés particuliers avec lesquels chaque savant croit le mieux travailler à l’édification de la science. La science elle-même garde au milieu de ces divergences individuelles dont elle ne peut que profiter, toute sa valeur, sa nécessité et son universalité.

Bien plus, un certain nombre de physiciens (Van t’Hoff, par exemple[1]) n’hésitent pas à considérer l’énergétique et le mécanisme comme deux formes de la physique théorique également nécessaires et également valables. Non seulement elles peuvent coexister, sans porter atteinte à l’unité de la physique, mais encore elles le doivent, pour la compléter. La théorie énergétique représenterait à chaque instant le contenu certain de la science physique, sous la forme la plus rigoureuse et la plus sobre. Elle servirait ainsi remarquablement à toutes les utilisations, les applications que l’on peut faire des résultats théoriques. Elle se présenterait comme le formulaire impeccable de nos connaissances physiques et des arts de l’ingénieur. Au contraire, l’hypothèse mécaniste serait le guide indispensable au chercheur, au praticien du laboratoire. Elle pousserait constamment à expliquer, à pénétrer plus avant, à découvrir. En elle, il faudrait voir l’instrument précieux de l’invention. Ainsi, pour le plus grand bien de la physique, se prêteraient un mutuel secours l’énergétique, description élégante de ce qu’on sait, le mécanisme, effort pénétrant pour expliquer ce qu’on ignore.

9. — La physique contemporaine est donc bien animée d’un esprit général et uniforme. Il n’est rien en elle qui puisse faire perdre notre confiance en sa valeur de savoir, en son universalité pour tout esprit fait comme le nôtre. La science reste la chose du monde qui vise à être la mieux partagée. Et si la raison, la lumière naturelle, comme on disait au xviiie siècle, le bon sens comme on disait au xviie siècle, sont les noms qu’on donne à ce communisme

  1. Préface du 1er volume (La dynamique chimique) des « Leçons de chimie physique professées à l’Université de Berlin ».