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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

suffisance de nos connaissances, ne sont pas à proprement parler des parties intégrantes de la construction scientifique. Elles ressemblent plutôt à ces étais et à ces échafaudages qui auront complètement disparu dès que la grosse construction sera achevée.

Duhem, malgré l’insistance avec laquelle il parle de l’arbitraire du savant dans l’élaboration de la théorie physique et l’âpreté de la lutte qu’il a engagée avec le mécanisme, avance, sans équivoque, qu’au milieu du chaos des théories diverses, le choix finira par se déterminer, nécessairement, pour une théorie et une seule.

Poincaré est un des physiciens qui, comme historien de la physique, a le mieux montré l’unité de son devenir, à travers les divergences momentanées. Il a insisté à plusieurs reprises, comme Duhem, sur ce fait que rien n’est jamais perdu des conceptions les plus générales et, au premier abord, les plus aventurés de la physique théorique. Le temps découvre leur insuffisance, mais les conserve comme expressions partielles de nos connaissances physiques. Des principes peuvent bien devenir inutiles, sans intérêt et sans application, dans des parties nouvelles ; ils n’en restent pas moins propres à systématiser les anciennes et la manière même dont le physicien les a posés assure qu’on ne pourra jamais montrer qu’ils sont faux. Dans les conférences qu’il a faites à Saint-Louis, Poincaré a dressé le tableau des principes qu’admet la physique actuelle ; le principe de Mayer ou principe de la conservation de l’énergie, le principe de Carnot, ou principe de la dégradation de l’énergie, le principe de Nev^ton, ou principe de l’égalité de l’action et de la réaction, le principe de Lavoisier, ou principe de la conservation de la masse, le principe de moindre action. Ces principes conservent l’essentiel, soit qu’ils leur soient explicitement identiques, soit qu’ils les impliquent, des principes qui ont été élaborés par les physiciens depuis la Renaissance. C’était la meilleure façon de montrer l’unité de la physique actuelle et l’unité de son devenir. Et l’on comprend que le savant ait pu conclure un de ses articles antérieurs à ses conférences, par