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ET INTÉRÊTS DIVERS QU’IL PRÉSENTE.

mulées pendant toute la seconde moitié du xixe siècle infirmèrent cette proposition de la réalité ontologique du mécanisme. Sur ces critiques s’établit une conception philosophique de la physique qui devint presque traditionnelle dans la philosophie de la fin du xixe siècle. La science ne fut plus qu’une formule symbolique, un moyen de repérage, et encore, comme ce moyen de repérage variait selon les écoles, on arriva vile à trouver qu’il ne repérait que ce qu’on avait au préalable façonné pour être repéré. La science devint une œuvre d’art pour les dilettantes, un ouvrage d’art pour les utilitaires : attitudes qu’on avait bien le droit de traduire universellement par la négation de hi possibilité de la science. Une science, pur artifice pour agir sur la nature, simple technique utilitaire, n’a pas le droit, à moins de défigurer le sens des mots, de s’appeler science. Dire que la science ne peut être que cela, c’est nier la science, au sens propre du mot.

L’échec du mécanisme traditionnel, ou plus exactement la critique à laquelle il fut soumis, entraîna cette proposition : la science, elle aussi, a échoué. De l’impossibilité de s’en tenir purement ou simplement au mécanisme traditionnel, on inféra : la science n’est plus possible. On pouvait avoir un ensemble de recettes empiriques ; on pouvait même les systématiser pour la commodité de la mémoire ; on n’avait pas une connaissance des phénomènes auxquels s’appliquaient ce système ou ces recettes.

« La science rationnelle — terme extrême de la connaissance discursive — n’est qu’un jeu purement formel d’écriture sans signification intrinsèque[1].

3. — Le chapitre d’histoire des sciences dont il va s’agir est donc d’un très grand intérêt et d’une majeure importance.

La science physique est-elle possible, au sens usuel des mots ? Pouvons-nous croire en la possibilité d’une physique qui serait un savoir effectif ? Ou bien devons-nous renoncer à cette idée ? C’était déjà le problème que Kant se posait

  1. Le Roy, Revue de métaphysique et de morale, septembre 1899, p. 550.