naissance. La relativité des connaissances physico-chimiques leur permet de croire, à côté de ces connaissances, à des affirmations au sujet desquelles la physique est incompétente. Elle ne leur permet pas d’en connaître l’objet. Nous ne connaîtrons au sens strict du mot que ce que la science physique sera susceptible d’atteindre, et rien autre. Il n’y aura pas d’autre moyen de connaître dans le domaine qui est l’objet de la physique. Ainsi, quelque humaine que soit la mesure de la science physique, force sera de nous contenter de cette science. Si elle n’est qu’un éclair, comme dit Poincaré, c’est « cet éclair qui sera le tout ». Si elle n’est qu’une accommodation de la pensée, comme dit Mach, l’univers physique, pour nous, n’est et ne sera jamais autre chose que le résultat de cette accommodation de la pensée. Si c’est une mathématique toute formelle, selon la conception de Duhem, cette mathématique physique sera pour l’objet des sciences physico-chimiques ce que la mathématique pure est pour le nombre et l’étendue : la science parfaite, exacte de cet objet, étant donnés les moyens dont nous disposons pour connaître.
Cette remarque était importante, car elle caractérise encore nettement l’attitude des physiciens contemporains en face de celle qui leur est prêtée par la critique sceptique. Cette critique condamne la méthode scientifique en empruntant aux savants leurs propres arguments sur les limites qu’ils assignent à leurs connaissances ; elle la condamne à la fois comme incomplète et, ce qui est plus grave, parce qu’elle altérerait nécessairement son objet. Et elle lui oppose comme plus complète, plus exacte, plus réelle, plus vraie en un mot, une autre méthode, une méthode prétendue intuitive qui nous met à même les choses telles qu’elles existent, ou tout au moins les données sensibles qui les représentent, telles qu’elles sont. Cette méthode intuitive est inconnue des physiciens. Ils n’accordent une valeur de savoir qu’à la méthode scientifique. Ainsi, tandis que, pour ses contempteurs, la méthode scientifique n’a qu’une valeur pratique et que d’autres méthodes, seules, ont une valeur théorique, une valeur de savoir, pour les physiciens, au
