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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

Aussi, est-on quelquefois étonné de voir la critique s’en prendre plus particulièrement à la physique mécaniste. On attendrait plutôt de cette critique, qu’elle présentât le mécanisme comme l’idéal scientifique par excellence, idéal essentiellement pratique, commandé au fond par des exigences techniques.

Mais cette critique a bien vu que le côté pratique et utilitaire du mécanisme n’est qu’un aspect secondaire et dérivé. Au contraire, la tendance du mécanisme a été plutôt de s’ériger non seulement en un savoir véritable, mais encore de se considérer comme un savoir absolu, comme la Science, avec un S. Cette prétention suscita précisément, en grande partie, la réaction sceptique. Mais alors, on voit tout de suite que le mécanisme, lui aussi, lui plus que tout autre, a maintenu et est disposé à maintenir sans défailfance, l’ « éminente dignité » de la science. Et, de ce fait, si le mécanisme aujourd’hui renonce à la chimère de l’absolu, il continue à prétendre, d’abord, qu’il est une méthode de connaissance sûre et exacte, dans les limites de l’humaine faculté de connaître, ensuite qu’il est, toujours dans ces limites, la seule méthode de connaissance sûre et exacte.

5. — Cette dernière conclusion n’est pas, d’ailleurs, particulière à l’école mécaniste. Prétendre que la science physique procède d’après la seule méthode que nous permette de connaître, dans les limites de la connaissance humaine, la seule qui nous donne des résultats effectifs, semble encore un des points sur lesquels s’accordent tous les physiciens contemporains et par lesquels ils s’opposent à une philosophie sceptique de la science. Parce que tous les physiciens admettent, conformément aux affirmations positivistes, que les connaissances que nous apportent les sciences physico-chimiques sont relatives, il ne faudrait pas croire qu’ils lui opposent un mode de connaissance distinct, à qui serait réservé le privilège de faire connaître ce que la physique laisse ignorer. Certes, des physiciens peuvent, à côté de leurs connaisances scientifiques, avoir des croyances qui portent sur des problèmes d’ordre métaphysique. Mais ils ne confondent jamais croyance et con-