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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

humaine a élaboré pour connaître, — pour connaître selon sa nature et ses besoins, bien entendu, mais on sait qu’il ne peut s’agir d’absolu, quand on parle d’espèce humaine — la science physique est une pièce essentielle, qu’on ne peut ni transformer autrement qu’elle se transforme elle-même, ni supprimer, sans que notre connaissance cesse d’être ce qu’elle est, dans sa nature propre. Il est donc impossible de conférer à la physique une valeur de connaissance, une valeur de savoir plus grande que ne la lui confère l’énergétique. Elle est un fragment de l’intelligence humaine.

c) Avec Poincaré l’expression « commode » qui revient sans cesse dans ce qu’il a écrit sur la physique pourrait créer une équivoque sur la valeur de savoir qu’il lui accorde, si l’on ne prenait garde au sens particulier que cette expression prend chez lui, et s’il n’avait lui-même insisté sur la haute valeur de savoir de la science, sur son « éminente dignité ».

Les termes « commode », « utile », n’ont chez lui qu’un sens intellectuel et théorique. Pour construire une théorie physique, le physicien choisit ses définitions, ses concepts, ses fonctions, ses symboles, selon la commodité et l’utilité qu’ils présentent. Oui ; mais commodité, utilité, pour la connaissance, l’intelligence, la pénétration des phénomènes naturels, des relations objectives.

Ces termes ont perdu de leur sens pratique. Il n’y a, d’ailleurs, qu’à lire la conclusion de la Valeur de la science, pour ne plus conserver aucun doute.

d) Si les affirmations du mécanisme ont été plus particulièrement visées par les critiques contemporaines des sciences physico-chimiques, on pourrait pourtant s’attendre à ce qu’elles se rapprochassent de ces critiques par certaines vues utilitaires. Des mécanistes ont eu le dédain de la pensée pure, de la science contemplative. Historiquement ce sont des mécanistes qui ont attiré l’attention sur les applications pratiques de la science et sur l’empire qu’elle pouvait nous donner sur la nature. Historiquement, ce sont encore les conceptions mécanistes qui, par les représentations concrètes et maniables, tirées de machines usuelles, ont préparé les applications pratiques de la physique.