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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

non une technique pratique. Il n’y a qu’à se rappeler les raisons qu’il assigne pour faire un choix entre les hypothèses nécessaires à la construction théorique. Les principales sont de l’ordre d’une esthétique intellectuelle. Dans tout ce qu’il dit de la structure de la théorie physique, on sent ce souci de l’élégance mathématique, de l’harmonie rationnelle, de la convenance parfaite des idées, qui caractérisent au plus haut point des préoccupations exclusivement intellectuelles et théorétiques. D’ailleurs, Duhem le dit explicitement à plusieurs reprises : la physique n’a jamais été et ne sera jamais, quoi qu’on en ait dit, un recueil de recettes empiriques. Il la compare souvent aux mathématiques et à la géométrie. Il est visible que pour lui la physique tend à devenir une science exacte, une science mathématique, donc une science conceptuelle, intellectualisée dans ses moindres parties. Elle se rapproche sans cesse de la science la plus désintéressée, la plus exclusivement théorique que l’on puisse citer, et toute l’œuvre de Duhem vise à rendre ce rapprochement plus intime. Il ne fait plus de la physique mathématique. Il fait une mathématique de la physique,

b) D’après Mach, tout l’édifice de la physique théorique se construit, s’élabore, absolument comme l’édifice même de la connaissance humaine : par une adaptation de l’être au milieu, qui se réfracte, à mesure, dans la conscience. Entre ce que nous appelons l’intelligence humaine, l’entendement humain, en un mot la raison, et une théorie physique, il n’y a, au point de vue du processus de formation et d’évolution, comme à celui de la valeur du contenu, aucune différence assignable.

La physique est donc une partie intégrante de cet ensemble que nous appelons l’intelligence ou la raison de l’homme, et elle n’est que cela. Elle peut avoir des conséquences pratiques ; notre intelligence, notre raison ont, elles aussi, un usage pratique. Est-ce une raison pour leur dénier leur propriété essentielle et constitutive, ce qui fait qu’elles sont, et ce qui les fait ce qu’elles sont : l’instrument de la connaissance ? Dans cet outillage complexe que l’espèce