Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/384

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
362
CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

applications pratiques. Si bien que les sciences physiques jusque-là connues d’une élite intellectuelle, sont devenues populaires. Seulement elles sont devenues populaires par le seul côté qui frappe l’imagination naïve et puérile de ceux qui ne peuvent les contempler que du dehors : par le côté utilitaire, par la domination qu’elles ont permise des forces naturelles. La fin du xixe siècle a assisté en même temps à la popularisation des sciences physiques et à leur interprétation dans un sens essentiellement pratique. À force de voir l’utilité des sciences physiques, on a fini par ne plus voir que l’utilité des sciences physiques. Elles sont devenues dans le langage abstrait et généralisateur de la critique philosophique, un ensemble de procédés techniques, — très subtils, très perfectionnés, très exacts et très précis, — pour manier les forces physiques, et rien de plus.

En somme, on peut noter une évolution très nette dans l’interprétation critique de la nature des sciences physiques : comme leurs applications techniques se multipliaient et grandissaient, la valeur d’utilité de la science a fait passer au second plan sa valeur de savoir, qui est sa valeur propre, normale, réelle. Lorsque, pour d’autres raisons, d’ordre social, plus particulièrement d’ordre religieux, raisons plus ou moins conscientes, on a cru, devant les exagérations, plus ou moins conscientes elles aussi, de certains zélateurs aveugles de la science, avoir à limiter la portée et la valeur des sciences physiques, on n’a eu qu’à préciser l’opinion courante qui en était peu à peu venue à confondre la science et ses applications.

La science est admirable, a-t-on dit ; mais qu’est-ce qui la rend admirable ? La maîtrise incontestable qu’elle nous donne sur les forces de la nature, ses services sans cesse et si rapidement croissants, son utilité pratique. La science est avant tout un procédé utile ou un ensemble de procédés utiles. Entre elle et l’art technique, il n’y a aucune différence. Et l’art technique, s’il se distingue de l’art imaginatif par son utilité, s’en rapproche erî ce qu’il est une création arbitraire du génie humain.

Comme le vulgaire s’appuyait surtout sur la valeur de