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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

plus légitimes des savants et des philosophes de la Renaissance. Jusque-là, l’utilité du savoir était une utilité purement spirituelle. Les Grecs, toutes les fois qu’ils ont parlé, au point de vue moral aussi bien qu’au point de vue de la connaissance, d’utilité (on dit quelquefois que Socrate est utilitaire), n’ont guère eu que cette notion spirituelle et presque esthétique de l’utilité. Il s’agit pour eux, non d’un intérêt matériel, mais d’un intérêt spirituel, d’un intérêt en quelquç sorte désintéressé ; la notion d’utilité touche à la notion de beauté et de perfection, de même que le plaisir s’affine en joie sereine et en sagesse heureuse. La science, la contemplation théorétique, était pour eux le plus haut degré de cette sagesse, et la définition de cette perfection. Aussi était-elle essentiellement une satisfaction de la curiosité et du besoin de savoir. Elle était de la science pour la science, comme leur art fut de l’art pour l’art. La Renaissance, et à très juste titre, tout en continuant à proclamer plus haut que jamais la puissance spirituelle de la science, en fît ressortir avec Bacon, Galilée et Descartes, la puissance matérielle. Elle unit intimement, dans ses éloges enthousiastes de la science, sa force de savoir et sa force d’action.

La plupart des philosophes et des savants ne se sont plus départis de cette attitude, jusqu’à ce qu’une sorte de réaction assez vive contre la valeur spirituelle de la science se fût dessinée dans ce dernier tiers du xixe siècle. C’est que la science, en s’affirmant comme positive, n’avait pas ménagé ses critiques — souvent intolérantes et superficielles — aux idées philosophiques et aux systèmes métaphysiques. Elle s’était souvent montrée agressive et railleuse. Alors que le positivisme semblait devoir marquer une séparation très nette entre le domaine des certitudes scientifiques et le domaine des hypothèses de la métaphysique, les savants n’avaient souvent pas craint d’empiéter sur ce dernier domaine. Ils firent à la fois, lorsque ceci leur arriva, de mauvaise science et de mauvaise philosophie. Les esprits critiques, les philosophes le leur firent bien voir. Et nous avons eu, après les attaques de la philosophie contre