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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

demain retrouvera toutes nos expériences bien faites et sera obligée de s’y conformer, strictement, comme la physique d’aujourd’hui.

On remettra donc les choses au point, en se défiant des formules de ce genre : l’expérience de demain peut contredire l’expérience d’aujourd’hui. Non, sur le terrain où veut rester placée la science et où nous sommes forcés de la suivre, l’expérience de demain ne peut contredire l’expérience d’aujourd’hui. Elle peut montrer qu’une expérience éait mal faite ; mais en assignant, — grâce à une nouvelle expérience, — la cause de l’erreur, loin d’infirmer la validité du critère expérimental, elle le confirme. Elle lui donne toute la résistance souhaitable contre le scepticisme. Deux expériences contradictoires sont deux expériences où nous ignorons une des conditions essentielles de l’expérience. Et leur contradiction nous incite à la faire découvrir. La méthode des résidus n’est guère, en pratique, que l’illustration constante de cette remarque.

Il n’y a rien de moins honnête que ces critiques qui prennent pour base ce fait que la méthode expérimentale procède par moyennes, qu’elle corrige arbitrairement les expériences au nom de prétendues erreurs d’expériences, que toute expérience est en quelque sorte falsifiée par la méthode même du savant. Mais entre quelles limites oscillent ces corrections ? Tout ce qu’on peut en conclure, c’est que nos instruments et nos sens ne sont point parfaits, que notre technique a encore des progrès à faire, et que ces progrès… ne changeront les résultats obtenus que d’une façon infime et négligeable. Une moyenne d’expérience n’a-t-elle pas autant de valeur pour établir et mesurer le rapport de deux phénomènes qu’une expérience qui serait faite avec des instruments infiniment plus précis ? Le travail est plus long et plus difficile, mais il a même objectivité. Cet argument est aussi sophistique que celui des prétendues contradictions de l’expérience. Il n’est pas un physicien qui mettra en doute, et actuellement, et pour l’avenir, les résultats d’une expérience méthodiquement critiquée.