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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

procède toute théorie générale dans la physique actuelle. On montre la possibilité de la théorie, comme dans le Traité d’électricité de Maxwell. On se garde bien d’en tenter une élaboration complète et réelle. On cherche, en un mot, ce qui, malgré le gros inconnu des expériences futures, peut être assigné ou conjecturé en vertu des expériences passées. Et l’énormité de cet inconnu force nécessairement à des généralités très vagues et à une systématisation très superficielle.

Ce rôle et cette place faits à l’hypothèse ne caractérisent pas seulement la physique actuelle ; ils caractérisent encore les divergences de vues des différentes écoles, entre lesquelles nous ont paru se partager les physiciens contemporains. Tant qu’on pouvait croire que les fondements de la physique étaient assurés d’une façon inébranlable, il ne pouvait y avoir place pour des divergences sur les principes. Les discussions avaient lieu entre physiciens sur des points de détail, bien plus que sur les généralités, et si certaines découvertes particulières, comme dans la théorie de la chaleur ou de la lumière (hypothèse du calorique et de l’émission) amenaient les physiciens à varier, en tout cas les changements ne visaient qu’une forme particulière de la théorie sur un point particulier, et l’époque ultérieure présentait autant d’unité que l’époque précédente. On ne discutait jamais sur l’ensemble théorique de la physique ; on le modifiait sur certains points et on considérait ces modifications comme des modifications spéciales qui n’attaquaient en rien la perennis physica. Il y avait une physique traditionnelle.

Aujourd’hui, au contraire, on croit, et c’est une conséquence logique de ce qui précède, que c’est sur les points de détail que se réalise l’accord, car ces points de détail peuvent être tranchés par des expériences. Mais la plus grande latitude, la plus grande tolérance doivent être laissées quant aux théories générales, car celles-ci ne peuvent être que des hypothèses. Et le rôle et la place faits à l’hypothèse ont amené nécessairement dans tout le domaine des généralisations, c’est-à-dire dans toute la physique théorique les divergences des écoles. Ces divergences ont leur