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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

3. — De telles prétentions devenaient inconciliables avec un expérimentalisme conscient et bien défini. L’expérience doit laisser nécessairement le champ ouvert à de nouvelles recherches. Par suite, le domaine de l’hypothèse est pratiquement sans limites. Si l’on ajoute que vraisemblablement on ne peut pas considérer les résultats acquis jusqu’ici comme très considérables, en face de ceux qui restent à acquérir, on voit tout de suite le rôle et la place de l’hypothèse dans la physique moderne. Elle en est un facteur intégrant et essentiel à un double titre : la science ne progresse qu’en formulant des hypothèses et en provoquant les recherches nécessaires à leur vérification d’une part ; et d’autre part, l’état actuel de la science exige que la plupart de ses propositions soient encore des hypothèses, surtout ses propositions générales.

Ce dernier point vaut qu’on y insiste, car c’est encore un point d’opposition directe entre l’ancien et le nouvel esprit de la physique.

La physique scolastique avait la prétention d’atteindre directement les propositions générales dont se déduisait le système complet de la nature. Contre cette prétention s’éleva la physique de la Renaissance ; elle conservait toutefois assez de confiance en nos lumières naturelles, pour affirmer que nous pouvions atteindre la nature simple. Ce n’est plus la propriété essentielle qui enveloppe toutes les propriétés particulières ; c’est le fait qui se retrouve dans tous les autres faits, et qui en se composant avec lui-même, les reproduit. Ce fait fondamental, l’esprit l’aperçoit d’abord, car il est plus simple qu’aucun autre et, une fois qu’il est aperçu, le problème physique se réduit à ceci : trouver comment les autres faits dérivent du fait fondamental : reconstruire les autres faits avec celui-ci. Il n’y a plus qu’à appliquer les règles générales de la démonstration mathématique par lesquelles on construit avec les éléments déjà connus la solution de questions non encore résolues. Le mécanisme traditionnel, par cela même qu’il s’appuîe sur V évidence de la relation simple, clef de voûte de la théorie physique, ne met pas en