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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

des gaz serait comme l’avant-coureur, ce n’est certes pas un retour au mécanisme réaliste qu’il marquera, mais bien un progrès vers l’empirisme relativiste, puisque ce serait le triomphe du mécanisme actuel, tout imprégné d’empirisme et de relativisme.

La physique actuelle peut donc se définir un phénoménisme ou un positivisme complet, dans le sens que Stuart Mill ou Comte ont donné à ces mots. Elle n’aurait pas pu se définir ainsi, à ne consulter que les travaux et les idées des physiciens, au moment où ces philosophes définissaient le phénoménisme et le positivisme. Sur ce point, la philosophie a prévu et prévenu le mouvement scientifique d’une façon très nette.

7. — Pour la physique actuelle, l’univers physique se réduit en dernière analyse à des sensations, plus exactement, car ce terme sensation est assez vague aux représentations de la perception extérieure. Les relations qui définissent ces représentations, voilà son objet. Quant aux propriétés constituant qualitativement chacune d’elles, quant à ce que seraient, pour employer la terminologie psychofogique, les sensations elles-mêmes qui constituent par leurs synthèses et leurs relations ces perceptions, la physique actuelle n’en a cure.

Il faut bien remarquer, en effet, que le positivisme et le phénoménisme du physicien a un sens plus complet, plus précis, comme on devait l’attendre d’une conception scientifique que le positivisme et le phénoménisme philosophiques. Si le philosophe a précédé le savant, c’est par une anticipation très générale et très vague. Le savant a donné un sens plus concret et plus exact à l’assertion du philosophe. Il l’a complétée et mise au point. Le positivisme philosophique se borne, en effet, à prétendre que nous ne pouvons connaître l’absolu, parce que nous sommes enfermés dans le domaine de nos états de conscience, de nos sensations, et que celles-ci dépendent de la constitution de notre esprit, autant, sinon plus, que de la constitution des choses, à supposer qu’il y ait des choses indépendamment de l’esprit. Il ajoute encore, comme déduction nécessaire,