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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

Voici le système de l’univers physique, parce que, ne reconnaissant d’autre inspiratrice que l’expérience, elle ne peut pas savoir si toutes les actions physiques peuvent être données dans notre expérience. Des actions inconnues et directement inconnaissables à nos sens sont révélées par les conséquences indirectes de certaines expériences. La liste de ces actions doit nécessairement toujours rester ouverte dans un système empirique. On ne pourrait la clore que si précisément on accordait à l’intellect humain une puissance propre capable d’atteindre les principes premiers, tous les principes premiers et leurs conséquences : ces principes portant en eux-mêmes la marque qu’ils sont bien premiers, et qu’au delà, la recherche ne peut plus se poursuivre sans absurdité : Verum index sui. Notre systématisation physique restera donc toujours une systématisation incomplète, un cycle ouvert et non un cycle fermé. Alors que pour le cartésien, notre monde réel n’était qu’un cas particulier du monde construit par la science, pour le physicien moderne, nos théories n’embrassent jamais que des cas particuliers du monde réel. La réalité les déborde de toutes parts. Et les théories physiques vont se modifiant, se complétant, s’unifîaht toujours, serrant à mesure de plus près le réel, sans jamais espérer affirmer une fois pour toutes qu’elles le tiennent tout entier[1].

Mais si nous ne pouvons pas atteindre les principes premiers, si le mécanisme lui-même aujourd’hui considère les principes comme des principes relatifs, sujets à revision, à compléments, à limitation ou à restriction comme à extension et à généralisations nouvelles, il vient immédiatement que nous ne pouvons pas atteindre les éléments ultimes de la réalité. Ce fait que la théorie physique sera toujours relative, implique sur le terrain de l’expérience qu’elle ne pourra jamais donnet un résultat de l’expérience comme le terme de la recherche. L’unité simple et absolue dont l’univers physique se compose par simple addition,

  1. Voir en particulier Jean Perrin : Préface des « Principes de Chimie physique », et la « Discontinuité de la matière ». (Revue du Mois, de mars 1906.)