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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

principes absolus de la science du temps et de l’espace. Remontous plus haut, aux cartésiens proprement dits. Il suffit de nommer Spinoza et de remarquer que si Descartes a dit que Dieu conservait le monde par le même acte et de même façon qu’il l’a créé, on peut dire inversement qu’il l’a créé de la même façon et par le même acte qu’il le conserve. Or, pour Descartes, la science assigne avec exactitude toutes les lois par lesquelles se conserve l’univers.

Les philosophes distinguent, il est vrai, l’essence et Texislence, des lois d’essence et des lois d’existence. Mais est-il besoin de faire remarquer que, pour eux, au contraire d’Aristote et d’une philosophie de la qualité et de Tineffabilité de l’individu, l’existence n’est qu’un cas particulier, qu’une limitation de l’essence. Même pour Leibniz, car l’être est machine dans ses moindres parties.

Il résulte de là que la science peut dépasser le réel, et non le réel dépasser la science. Car la science est capable d’atteindre l’essence. C’est son rôle et sa définition. La science a devant elle tout le champ des possibles. S’il y a de la contingence dans le monde, c’est que les conséquences des principes de la science n’ont pas été toutes réalisées. Cette contingence ne s’oppose donc pas à ce que le monde soit tout entier pénétrable par notre science. Elle s’oppose peut-être à ce qu’a priori, nous prenions pour réalisées toutes les conséquences des principes (et encore pour Spinoza, ceci serait sujet à discussion). Mais elle implique fatalement que tout réel, et que tout le réel se déduisent des essences dont la science est la claire et distincte intellection.

D’ailleurs si nous quittons le champ de la philosophie pour celui de la science, la distinction entre l’essence et l’existence ne se pose même plus. Il n’y a qu’à lire les parties scientifiques de l’œuvre de Descartes, les réflexions d’Euler ou de Huyghens, et ensuite les travaux de tous les mécaniciens et physiciens du xviiie siècle et de la première moitié du xixe pour s’en rendre compte, en particulier les travaux de Lagrange, de Laplace, de Poisson, etc.

Partisans du plein et du continu, comme partisans du