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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

fication par l’esprit de la relation expérimentale, la substitution d’un terme posé par l’esprit à la donnée empirique. Bien que ce terme s’éloigne d’aussi près que l’on veut de la donnée empirique, il devient, dans la mesure de cet éloignement, subjectif et conventionnel. Ici encore ce qui vient du sujet altère l’objectivité de la théorie. Et ce qui fonde cette objectivité, c’est le rôle énorme que continue à jouer l’expérience. L’objectivité est donc bien de nature empirique et non intuitive et rationnelle. Par là, nous rejoignons, malgré l’opposition critique des doctrines, le terrain sur lequel s’est établi le mécanisme actuel.

L’objectivité de la théorie physique a donc sa source unique dans l’expérience. Elle est d’ordre empirique.

6. — Il ne faudrait pas considérer, d’ailleurs, cet empirisme comme aveugle et inintelligent. Il n’y aurait plus personne aujourd’hui pour soutenir que « l’idée » n’a aucun rôle dans la science et doit être proscrite. Les constatations de Claude Bernard sont décisives et classiques. Toutes les conceptions, même les conceptions mécanistes les plus intransigeantes, j’allais dire surtout les conceptions mécanistes les plus intransigeantes, proclament que l’esprit a son rôle nécessaire dans la physique théorique : car celle-ci procède nécessairement d’abord par une anticipation de l’expérience, une hypothèse. Les mécanistes, en particulier Boltzmann, quand ils critiquent l’énergétique, s’appuient non seulement sur le droit, mais encore sur la nécessité de faire des hypothèses, d’avoir des idées préconçues pour les soumettre à l’expérience, et provoquer la découverte. Le progrès de la science est directement lié à la suggestion de l’idée, à la part que l’esprit prend et ne peut pas ne pas prendre à l’expérience. Le mécanisme, dans ce qu’il enferme d’hypothétique, (dans la constitution atomique de la matière, par exemple), n’est que l’ensemble des idées nécessaires aux progrès des sciences physico-chimiques. Et Boltzmann a beau jeu pour montrer que, dans ce qu’il