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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

sciences n’existeront qu’autant qu’elles sont objectives. Trouver quelque chose d’objectif, voilà en quoi consiste ce que nous appelons savoir : trouver quelque chose d’objectif, c’est-à-dire remarquer quelque chose qui ne relève en aucun cas des arrangements que notre imagination et notre pouvoir spéculatif peuvent organiser avec les éléments que nous empruntons à l’expérience, mais qui s’impose à nous, même contre notre gré, nos désirs, nos efforts, car l’expérience le pose ainsi et non autrement.

Ainsi une deuxième signification du mot objectif s’oppose nettement, dans la critique moderne de la connaissance, à la signification intuitive. C’est la signification empirique. Objectif égale : ce qui est donné par l’expérience perceptive, et qui résiste à toute tentative pour le faire apparaître à nos sens autrement qu’il a apparu une première fois. Quelque chose du dehors se pose, et en se posant s’impose.

5. — Quelle est de ces deux significations celle qu’admettent les physiciens contemporains quand ils reconnaissent que la physique est objective ? Pour qui a suivi l’analyse de leurs différentes conceptions, la réponse se présente ici encore en même temps que la question. Tous les physiciens actuels s’accordent pour admettre l’objectivité de la physique, et tous aussi pour admettre que cette objectivité est essentiellement empirique. Ce qui fait l’objectivité de la physique, c’est la coïncidence des relations qu’elle met en évidence avec les relations présentées dans l’expérience par nos représentations.

Ainsi Duhem, qui admet que la théorie tout entière est une superstructure surajoutée par l’esprit aux résultats de l’expérience, déclare formellement que tout ce qui vient de l’esprit est arbitraire : les formes de notre pensée, les catégories, — et il n’en mentionne jamais qu’une seule, le principe d’identité et de contradiction — n’ont de rôle que dans la construction de cette superstructure théorique.

Mais la théorie construite à l’aide de ces catégories et sous la condition de leur respect nécessaire (toute théorie doit être conforme au principe d’identité et de contradiction et aux autres principes, — s’il y en a — qui fondent la