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LA VALEUR DE LA PHYSIQUE.

l’expérience sensible. Avec un peu de subtilité et d’efforts, on a vite fait d’arriver à concevoir l’habitude détruite, remplacée par une habitude contradictoire (Stuart Mill). N’est-ce pas la preuve que nous pourrions fort bien penser autrement que rien, dans la pensée, n’est nécessaire ou universel ? Quelle garantie pouvons-nous avoir alors de la vérité de nos conclusions ! Quelle science peut bien nous apparaître comme possible ? Le scepticisme n’est-il pas le résultat de cet empirisme ?

Cette conclusion serait hâtive. Tout ce qui est dans notre esprit vient de l’expérience : ce qui est fixe, stable, ce qui s’impose à nous comme une habitude nécessaire, aussi bien que le reste. Il en résulte que le fixe, le stable, ce qui s’impose comme une habitude nécessaire indique que l’expérience est fixe, stable, et présente un ordre nécessaire (Spencer). Le fait même que le monde subjectif qui n’a par lui-même aucune originalité se sépare en deux domaines, le domaine de l’illusoire, du fugace, du rêve et de l’erreur, et le domaine du permanent, du réel et du vrai, prouve qu’il y a dans l’expérience des relations nécessaires et universelles. Les successions et les concomitances expérimentales se reflètent dans notre esprit. Leur analyse, voilà l’œuvre de la science. Si ce que nous appelons l’expérience, si la totalité de nos représentations avaient toujours la forme des images du rêve, toute science serait impossible. Il n’y aurait ni illusion, nî réalité ; tout serait illusoire, et tout serait réel également. Le subjectif et l’objectif se confondant, le problème de l’objectivité n’aurait jamais été soulevé. Mais par cela même que dans notre esprit, image fidèle des choses, il se dessine quelque chose de systématique, par cela même (c’est une conclusion logique, inéluctable, une fois posées les prémisses de l’empirisme), les conditions de nos représentations et leurs relations forment un système que l’expérience, méthodiquement et convenablement consultée, pourra peu à peu nous révéler. La possibilité des sciences physico-chimiques, comme la possibilité de toute science sort de là. Et le problème de l’objectivité en même temps qu’il se pose est résolu, puisque les