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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

intuition directe de l’objet, soit, lorsqu’avec Kant sont affirmées la relativité de la science et sa séparation irrémédiable de la métaphysique, des relations universelles et nécessaires posées par l’esprit et qui donnent, leur forme à toutes les relations empiriques, c’est-à-dire à toutes nos connaissances. Dans la question qui nous occupe maintenant, nous pouvons faire abstraction de cette différence, qu’on retrouvera plus loin, et nous arrivons à cette conclusion : Toute la lignée des philosophes rationalistes croit à l’objectivité de la science, mais fonde cette objectivité sur une expérience interne, sur une donnée que l’on trouve dans l’analyse du sujet. Le sujet rencontre en lui, à côté des idées abstraites et générales qu’il sent subjectives, mobiles et fugaces, par suite sans substance et sans réalité, des notions qui lui résistent, qui s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non, quoi qu’il feigne ou qu’il pense, qui sont fixes, universelles, donc nécessaires. Ces notions ont donc toute la réalité que la connaissance humaine est susceptible d’acquérir, toute l’objectivité que nous pouvons atteindre : objectivité intégrale, métaphysique, depuis Descartes jusqu’à Kant, objectivité relative à partir de Kant.

Mais il s’agit toujours, bien que l’objet ne soit plus le même, d’une objectivité fondée sur l’intuition interne.

4. — En face de cette conception, est une conception qui rompt d’une façon beaucoup plus radicale avec la spéculation et la science intuitive de la scolastique. Presque tous les savants la partagent à partir du xviiie siècle, et les philosophes empiriques en exposent les traits fondamentaux.

Tout ce qui vient du sujet est en quelque sorte dérivé et secondaire. C’est une copie, noil un modèle. Sa garantie n’est pas dans l’esprit, mais hors de l’esprit. Dans l’analyse de certaines notions, l’habitude peut nous faire croire à un résidu fixe, résistant, stable, qui ne résulte pas de l’expérience et n’est pas une simple coïncidence de sensations ; mais il n’y a là qu’un effet de l’habitude. Qu’on ana : lyse ce résidu, et bientôt il se résout en traces laissées par