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CONSÉQUENCES PHILOSOPHIQUES.

qui lui est historiquement lié, se présentent comme des réactions très nettes. Mais ils croient, eux aussi, à l’objectivité de la connaissance ; seulement ce n*est plus le même élément qu’ils considèrent comme objectif. La conception de l’esprit, l’idée abstraite ou générale, la spéculation a priori sont, au contraire, essentiellement subjectives. Ce sont des points de vue de l’esprit, des symboles créés par lui, qui ne valent que par ce qu’ils recouvrent. Est objectif ce qui est donné du dehors, imposé par l’expérience, ce que nous ne faisons pas, mais ce qui est fait indépendamment de nous et dans une certaine mesure nous fait. L’empirisme ira en accentuant constamment ce dernier caractère, jusqu’à considérer l’esprit coname la création de l’expérience.

3. — Ce courant qui entraîne à donner au mot objectif un sens empirique ne s’établit pas d’un seul coup intégralement. Les anciennes habitudes de pensée subsistent, et on peut dire à ce point de vue que le cartésianisme, le leibnizianisme, le kantisme, l’idéalisme du xixe siècle, font toujours à l’objectivisme intuitif sa part, mais une part beaucoup moins large que la philosophie du concept.

À dire vrai, ils renouvellent plutôt le sens intuitif et rationnel du terme objectif pour le mettre d’accord avec les exigences empiriques de la pensée moderne, et beaucoup de leurs interprètes n’accordent pas assez d’attention à cet effort nouveau qui entraîne une conception nouvelle. Ces interprètes négligent le rôle croissant, donné par le rationalisme à l’expérience ; si bien que peu à peu arrivent à se confondre méthode expérimentale et méthode rationnelle. Mais en accordant cela à la vérité historique, il n’en est pas moins manifeste que la grande tradition philosophique, rationaliste et idéaliste, a maintenu une acception intuitive de l’objectivité.

L’idée abstraite, le concept, la création de l’esprit dans un but symbolique et utilitaire, tout cela n’a plus de valeur objective. C’est entendu. Mais la connaissance ne résulte pas tout entière d’un apport extérieur. On pourrait presque dire que l’expérience a une double origine : l’in-