Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
ET INTÉRÊTS DIVERS QU’IL PRÉSENTE.

J’ai cru[1] un moment qu’une étude attentive des faits pourrait permettre d’établir des règles se rapportant aussi bien à l’invention qu’à la preuve. Il me semble aujourd’hui que cette croyance était prématurée. Les études que j’ai poursuivies m’amènent à cette conclusion : la découverte échappe à peu près à toutes lois précises. Elle est le privilège fortuit du génie. Mais il n’en est pas de même de la preuve.

Toute science, au contraire, s’établit et se développe en fixant ses moyens de preuve. Ses méthodes sont essentiellement la mise en œuvre de ces moyens. La critique de la science — celle dont s’occupent non les métaphysiciens, mais les savants — ne vise qu’à résoudre le problème de la valeur et des limites de sa force probante. Il faut donc, à ce que je crois, en revenir partiellement à la vieille définition de la logique. Elle est l’art rationnel de la preuve. Elle établit les règles grâce auxquelles une démarche de la pensée pourra nous donner la vérité, et, conjointement, grâce auxquelles elle pourra s’approcher de cette limite en prenant une mesure précise de l’approximation. Elle systématisera en un mot les règles qui nous permettent d’évaluer, pratiquement et en fait, la valeur de nos connaissances, leur force probante.

Il se déduit de là tout naturellement que l’habitude d’estimer à leur juste valeur nos connaissances, d’après le maniement des règles proposées par l’art logique, constituera une véritable hygiène de l’intelligence. À son école, l’intelligence acquerra, en même temps que l’esprit critique nécessaire, le mérite de ne jamais rien avancer sans avoir établi son affirmation d’après les méthodes capables d’administrer la preuve, dans l’ordre de connaissances dont fait partie la proposition considérée.

Ceci posé, comment constituer l’art logique ? Certains considérant la raison comme une faculté transcendante, et un primum dalum, croient qu’en développant a priori ses lois essentielles, nous arriverons peu à peu à établir une

  1. Cf. un article de La Revue philosophique « Ce que devient la Logique ».