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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

bien les unes que les autres, les éléments primitifs et les principes de la systématisation, Lodge, par exemple, peut représenter deux phénomènes électriques à l’aide de deux constructions incompatibles entre elles. Il n’en reste pas moins que ces deux constructions respectent toutes deux les principes de la systématisation mécaniste. Si l’une est vraie, l’autre ne peut pas l’être en même temps ; mais nous ignorons momentanément laquelle est la vraie et l’une peut aussi bien l’être que l’autre[1] ; toutes deux même peuvent être fausses sans rien changer dans l’ensemble du système. Ces constructions passagères, adjuvants nécessaires de la théorie, sont les « modèles mécaniques » ; l’expression très heureuse inventée par les physiciens anglais a eu, dans la critique de la science, une fortune qui n’est peut-être pas toujours de très bon aloi.

Qu’est-ce donc qu’un modèle mécanique ? C’est une hypothèse de détail, une hypothèse toute provisoire qu’un savant construit pour voir clair dans ce qu’il sait ou croit savoir d’un phénomène, pour ordonner, relativement à lui, ses notions et ses recherches, pour provoquer les analogies, les associations d’idées fécondes qui, comme chacun sait, sont l’âme de la découverte. Les mécanistes pensent ne pouvoir procéder à leurs investigations qu’en imaginant de telles hypothèses, de telles suggestions représentatives.

Beaucoup de ces modèles sont individuels ; ils n’ont de valeur que pour l’imagination qui les a créés ou pour les phénomènes qu’ils ont servi à éclaircir. Beaucoup encore ne seront jamais connus, n’auront jamais pris pied, si peu que ce soit, sur le terrain scientifique, parce que le savant qui s’en est servi n’a pas jugé utile de nous donner ses constructions, ses hypothèses, ses tâtonnements. D’autres, plus généraux, mieux adaptés, plus satisfaisants et plus féconds ont, dans l’histoire des sciences, une certaine célébrité

  1. De même Mme Curie (Revue scientifique du 24 novembre 1906) conclut sa leçon d’ouverture, en avertissant, après avoir exposé rhypothèse particulière à laquelle elle se rallie, touchant la source de l’énergie dégagée par le radium, qu’on tienne compte des autres, car elles peuvent avoir leur intérêt et leur fécondité.