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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

systématisation définitive. Personne n’a plus la prétention de croire que nous avons atteint la matière dans sa réalité absolue et immédiate ; personne n’a donc plus la prétention de reproduire avec les éléments que nous avons entre les mains, la nature elle-même. Personne, par suite, ne peut considérer que les éléments auxquels l’état actuel de la science nous ramène constamment sont les conditions nécessaires et suffisantes d’une systématisation définitive. La région obscure est si vaste par rapport à celle de la pénombre, et celle-ci, si grande encore par rapport au cercle d’éclairement, qu’il y aurait folie à parler d’une théorie immuable.

Mais il faut bien l’entendre. Si, par exemple, les hypothèses récentes de Lorentz, de Larmor et de Langevin[1],

  1. « Sous certaines conditions, les gaz ou les vapeurs émettent des radiations lumineuses ; décomposées par le passage à travers un prisme, celles-ci se divisent en un certain nombre de raies (raies spectrales, dont la couleur, le nombre et la disposition sont tout à fait caractéristiques de la nature du gaz ou de la vapeur qui les émet) ; ainsi ces raies ne sont pas les mêmes pour l’hydrogène, la vapeur de fer ou la vapeur de cuivre.

    Pour expliquer cette émission de lumière différente par les divers atomes, le physicien hollandais Lorentz et ensuite le physicien anglais Larmor ont été amenés à considérer l’atome comme un monde aussi complexe, j’allais dire aussi grand relativement que le système solaire. Voici, en effet, l’idée qu’ils se sont faite de l’atome. Au centre, un noyau chargé d’électricité positive autour duquel tournent de petits corps chargés d’électricité négative, comme les planètes tournent autour du soleil. C’est la rotation de ces petits corps qui imprime à l’éther environnant les vibrations constitutives de la lumière toutes les fois que par une cause extérieure à l’atome leur trajectoire est légèrement perturbée. La périodicité de la vibration lurtiineuse ainsi émise est la même que la périodicité du mouvement tournant de ces petits corps autour du centre de l’atome. La périodicité de la vibration lumineuse émise étant connue avec une très grande précision, il en est de même, par conséquent, de la durée de rotation du petit corps tournant qui lui a donné naissance, puisque ces deux grandeurs sont égales. Le nombre de tours que font ces petits coit)s gravitant autour du noyau central de l’atome dépend de leur distance à celui-ci, il est donc variable dans un même atome suivant le petit corps tournant considéré. En moyenne, ce nombre de tours est 500 trillons par seconde. Je ne sais si vous vous faites bien une idée de l’énormité de ce nombre : il est égal à 8.330 fois le nombre de secondes qui se sont écoulées depuis la naissance du Christ jusqu’à nos jours.