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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

des données de cette expérience. Le mécanisme, au contraire, asseoit ses théories sur des éléments représenlables, soit qu’il les tire de l’expérience, soit qu’il les conjecture comme pouvant être retrouvés un jour dans l’expérience, comme une expérience possible. La base des théories mécanistes sera donc toujours une représentation perceptive ; sa figuration doit parler à l’imagination ; et comme dans la psychologie réelle, et comme dans le nominalisme strict, la pensée conceptuelle n’est qu’un symbole, un papiermonnaie. Son usage n’est tolérable que s’il correspond à un fond perceptif. L’intelligible n’a de valeur que par le sensible dont il est inséparable.

d) Or, et nous arrivons au terrain même sur lequel combattent et se critiquent énergétistes et mécanistes, quelles sont ces bases représentatives de la théorie mécaniste ? Ce sont des sensations de résistance et de mouvement. Toute théorie mécaniste nous fait retomber sur des termes d’étendue (Descartes) ou d’impénétrabilité, de résistance (Leibniz-Newton). Pourquoi ? Je l’ai déjà dit : C’est que toute expérience revient en définitive à des mesures. Une mesure est une variation d’étendue, un déplacement dans l’espace, une sensation de mouvement. Une sensation de mouvement est presque toujours liée à un repère qui comporte une sensation de résistance ; c’est par cette sensation que s’évalue le mouvement qui se produit, sa force. Toute expérience nous fait donc retomber, du moins jusqu’à présent, et tout porte à croire qu’il en sera toujours ainsi, sur des phénomènes mécaniques. Si l’on ajoute à cette raison, cette autre raison qui lui est nécessairement corollaire, que les phénomènes les plus simples et, par conséquent, les premiers étudiés dans la nature, ont été le mouvement et tout ce qui s’y rapporte, que par suite on a progressivement connu les phénomènes inconnus, en les réduisant à ceux qui étaient primitivement connus, on en conclut que la systématisation à laquelle devait aboutir une théorie qui veut être le décalque de l’expérience, est une systématisation mécaniste. Et voilà comment le mécanisme phénoméniste reste bien le mécanisme, et continue à se différen-