Page:Rey - La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, 1907.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

nuance que réclairement donna à l’objet, l’altération individuelle et spécifique que son imagination sous l’empire d’une idée préconçue a failli un moment y introduire, les petites hallucinations même que la fatigue de son œil lui impose ; troubles, brouillards ou taches. Et pourtant au point de vue d’un empirisme idéaliste, ou d’un positivisme intégral du genre de celui que je discute, voilà ce qui a constitué l’état de conscience, voilà la réalité, l’objectif. Tout le monde s’accordera à reconnaître que rien ne fut plus subjectif. Le réel, l’objectif, raisonnablement (et l’on ne peut discuter qu’au point de vue de la raison), c’est ce en quoi s’accorderont tous ceux qui auront observé la même image, et toutes les observations de chacun des observateurs qui se corrigent eux-mêmes en répétant l’observation, en la fixant et la définissant.

Cette constatation de fait peut se répéter mutatis mutandis, à partir de l’observation vulgaire, jusqu’à l’affirmation la plus extensive de la physique telle que la conçoit le mécanisme. Et partant, on peut dire avec lui et avec le bon sens que l’objectif, c’est non pas la nuance fugace, spécifique, individuelle, ineffable, mais le fond permanent, constant, universel, défini qui se retrouve dans les nuances fugaces, spécifiques, individuelles, ineffables. L’expérience scientifique doit chercher à retrouver ce fond, et l’expérience et la science, telles que les comprend le mécanisme, n’ont pas d’autre but. Le réel, ce n’est pas ce que chacun met de lui dans un acte de perception, en vertu de sa constitution plus ou moins pathologique ou normale (c’est-à-dire exceptionnelle ou moyenne). Ce n’est pas non plus ce qu’ajoutent dans l’infini des causes et des elîets, le délai ! accidentel, l’interférence fortuite, momentanée et fugitive d’une série causale qui jamais plus ne se produira identiquement (par exemple l’intervention d’une secousse sismique dans une expérience sur la surface d’équilibre d’un liquide). Le réel, l’objectif, c’est ce qui dans des conditions semblables se répète semblablement. L’artifice expérimental, les conventions métriques, n’ont d’autre but que de le dégager et de le communiquer avec autant d’exacti-

REY. 18