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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

nuances individuelles et spécifiques du fait de conscience, devient le type de l’objectiviié. Et en revanche, le fond objectif constant et permanent que révèle à l’observation et à l’expérimentation tout un ensemble d’images, devient l’altération arbitraire et subjective de l’expérience dans l’esprit du savant. Cette vue de l’esprit est étayée par toutes les conventions de langage qu’exigent l’exactitude et la communicabilité des résultats d’une expérience scientifique, et que les savants ont mis souvent une sorte de coquetterie à faire ressortir, sans songer aux conséquences logiques qu’on en pourrait tirer dialectiquement. Il leur eût été facile, en effet, pour éviter toute méprise, de montrer sous l’artifice indispensable du langage et des conventions métriques, les plus réels des phénomènes naturels que ce langage ne fait que communiquer avec précision.

Un physicien qui n’a pas ménagé ses critiques au mécanisme, et pour qui la valeur objective de la science, si elle existe, pose un problème sérieux, Poincaré, a déjà mis ce sophisme à jour. Il a montré facilement que les phénomènes sensibles, analogues sous leurs nuances spécifiques de détails, recouvraient bien un fond permanent et universel, et que l’expérience scientifique consistait précisément à dégager ce fond permanent et universel.

On peut dire après lui, et d’une façon plus générale, que toute expérience, l’expérience scientifique comme l’expérience vulgaire fixe, définit et abstrait. Mais il s’agit de savoir si ce qu’elle fixe, définit et abstrait, est plus réel que ce qu’elle néglige comme détail fugace, accidentel et comme nuance infime, ou l’est moins.

D’abord dans l’expérience vulgaire, à moins que l’on ait à faire à une sensibilité affinée par une longue éducation esthétique et des dispositions naturelles, la nuance spécifique du phénomène échappe à la sensibilité commune. On ne reconnaît comme réalité s’imposant à notre créance que ce dont tout le monde pourrait témoigner comme nous-mêmes. Jamais personne n’ira prétendre, malgré ses convictions idéalistes, que le réel, l’objectif, ce soit dans le phénomène qu’il observe, à travers un microscope, la