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L’ANALYSE DES DOCTRINES.

et d’énoncer, avant même que ces faits nouveaux soient connus.

Le mécanisme, pour appuyer cette vue, pourrait citer presque toute l’histoire des sciences, et les théories psychologiques les plus récentes sur la nature du raisonnement[1].

17. — La réussite de cette méthode dans l’étude de la nature implique nécessairement une conclusion de haute importance sur la nature elle-même. Il faut que celle-ci soit homogène dans son fond, relativement à tout le domaine des phénomènes mécaniques et physico-chimiques. Cette proposition n’est pas, d’ailleurs, particulière au mécanisme. Rankine dans son essai — le premier en date — pour amender la physique traditionnelle, concluait à un fond commun, à un invariant général, sous tous les phénomènes physico-chimiques : une quantité constante d’énergie homogène. Duhem pousse plus loin la restauration de la physique de la qualité. Mais il admet encore très nettement des qualités premières — en petit nombre — auxquelles se ramènent toutes les autres nuances qualitatives ; il admet aussi que le nombre de ces qualités n’est pas immuable, et qu’il peut très bien se réduire.

Ce qui caractérise le mécanisme, c’est qu’il admet l’homogénéité non seulement des phénomènes physico-chimiques, mais à la fois des phénomènes physico-chimiques et des phénomènes mécaniques. La nature est un système.

18. — On a souvent présenté cette affirmation comme un postulat du mécanisme. Le mécanisme serait le résultat d’une croyance a priori et d’une idée préétablie relatives à l’homogénéité de la matière. Il semble qu’on renverse ainsi l’ordre logique et psychologique des assises de la théorie mécaniste. L’homogénéité de la matière n’est ni un principe ni un postulat. Elle est une conséquence de l’évolution des sciences physico-chimiques. Elle est un résultat de la méthode scientifique précisée à la Renaissance d’une façon systématique (car c’est d’une méthode analogue que

  1. Cf. Ribot, Évolution des idées générales, p. 38. (Paris, F. Alcan.)