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CONTINUATEURS DU MÉCANISME, HYPOTHÈSES FIGURATIVES.

Qu’est-ce qui caractérise alors la progression du raisonnement scientifique, car il est incontestable que ce raisonnement suit une progression rigoureuse ? Là encore l’opposition avec la scolastique se précise. La marche essentielle dans le raisonnejnent cher à l’école, est en même temps qu’une déduction du général au particulier, comme le fait remarquer Descartes, une marche du connu au connu. La conclusion est contenue dans les prémisses. Celles-ci ne sont vraies que si la conclusion l’est aussi. Aussi le formalisme logique peut-il rendre des services pour exposer la vérité. Il ne l’a jamais fait découvrir. La méthode de la physique sera ici une marche du connu à l’inconnu[1].

On a cherché des expériences particulièrement simples qui révèlent les conditions suffisantes et nécessaires d’un phénomène, et généralisé les résultats de ces expériences particulièrement simples, en démêlant, à propos des cas nouveaux plus complexes, des éléments analogues aux cas anciens. Le fait nouveau s’explique ainsi par une réduction au fait ancien. On éclaire l’inconnu en projetant sur lui la lumière du connu. On essaye de généraliser la loi qui a réussi à expliquer les phénomènes simples en l’étendant à des cas où de prime abord elle ne paraît pas s’appliquer. Mais dans cette démarche, le mécanisme reste fidèle à son point de vue primordial. Si par une hypothèse hardie il donne à une loi particulière, dont les termes ont le privilège d’une simplicité qui ne permet pas le doute, une extension généralisatrice, ce n’est pas par une vue de l’esprit. — À tout le moins, la vue de l’esprit n’est-elle qu’une étape provisoire. — C’est parce que les faits nouveaux peuvent expérimentalement se réduire à un arrangement complexe des faits anciens, ou donner une résultante moyenne que sa simplicité avait déjà permis d’apercevoir

  1. Comment cette marche est-elle possible ? Elle n’est possible que si l’on part d’un fait privilégié, dirait Bacon, d’une réalité immédiatement aperçue pair l’esprit, dira Descartes, et si l’on peut réduire progressivement d’autres faits au premier et aux propriétés et aux relations qu’il implique nécessairement. Le développement historique du mécanisme n’est qu’une adaptation de ce processus général à l’objet de la physique.